Boredom, série de 12 toiles, huile sur toile, 200 x 200 cm, 2016
Boredom, the iPhone mirror
Alors, les autoportraits sont maintenant des selfies.
On fait des bâtons pour eux, on les regarde et on les partage. Ils représentent désormais une grosse masse des images flottantes sur Internet. Les images basse définition produites par un sel e donnent une impression d’authenticité et d’originalité. En les regardant, il apparaît qu’ils sont diffusés sur les réseaux sociaux comme une preuve de « ce que je suis en train de faire maintenant ». Dans ce cas, il est important que les selfies demeurent un type d’image indépendant et identifiable. La relation d’intimité que nous entretenons depuis quelques années avec nos téléphones donne au selfie une impression de fidélité au réel. Parce que cet objet nous accompagne au quotidien, il est réceptif et capture facilement son environnement. S’il peut être un compagnon virtuel dévoué et pratique, il peut également devenir un traitre et partager des informations confidentielles. C’est alors que s’instaure une relation de confiance entre un utilisateur et sa machine. Ainsi, les données produites par un smartphone s’ancrent dans une intimité profonde, sans barrière.
James Franco est un acteur-réalisateur-scénariste-écrivain-peintre américain dont la réputation face au selfie est déjà bien établie. Souvent appelé le roi du selfie, James Franco utilise ce type de production afin de devancer les paparazzi en créant lui-même des images intrusives. La réalité du selfie devient alors un partage d’une intimité entre l’homme et son reflet. Dans cette série de peintures, l’acteur iconique transpire l’ennui et l’inactivité. Contrairement aux selfies qui se veulent dynamiques et actifs, ces douze toiles agissent comme un refrain de l’ennui.
Si la notion d’ennui est arrivée avec la modernité, le selfie lui permet aujourd’hui d’en créer des représentations solides. L’iPhone est devenu un outil de réflection qui permet à l’utilisateur de voir le temps défiler. Les selfies d’ennui pourraient alors être perçus comme des vanités contemporaines. C’est dans cette inactivité sculpturale que les deux personnages principaux -l’utilisateur et le smartphone- reproduisent le schéma du miroir et de la fuite du temps.
Dans cette série de selfies, la construction des images se base sur l’utilisation d’un point de vue individuel. Parce que l’iPhone ne peut pas prendre plus de recul que la longueur d’un bras et qu’il se tient dans la main, il formate ses photographies à un nouveau type de perspective; la perspective anatomique. La main devient la source du cadrage et permet ainsi d’obtenir des points de fuite désaxés affichant des plafonds et des narines ostensibles. Si les smartphones ont une incidence sur notre manière de tenir notre tête ou peuvent être à l’origine de doubles mentons, ils ont également la capacité de porter un regard nouveau dans l’univers des représentations.